KING OF DEVIL'S ISLAND (2011) Les révoltés de l'île du diable

Jean Valjean (Les Misérables de V. Hugo) s’était retrouvé au bagne pour avoir volé un pain. Un siècle plus tard, c’est pour avoir piqué dans le tronc d’une église qu’un adolescent croupit depuis 9ans sur l’île de Bastoy transformée en camp de redressement .Autres temps (début du 20ème siècle), autres lieux (la Norvège), mais pas nécessairement autres mœurs ! Le film de Marius Holst s’inspire de faits authentiques et glace par un réalisme sans édulcorant. « Remettre dans le droit chemin », c’est en fait humilier et déshumaniser ceux qui sont privés de nom et réduits à un matricule. La bonne conscience du directeur et de ses auxiliaires, les principes rigides d’une religion sans compassion, camouflent mal le plaisir de la domination des esprits et des corps. Les violences au quotidien s’accumulent et le drame le plus abject s’annonce comme une fatalité. L’île est balayée par le vent, la pluie, la neige. Un paysage de boue et de glace d’où il semble impossible de s’échapper. Cruauté de la nature, cruauté des hommes. La première a au moins l’avantage de son innocence. Les adolescents, comédiens amateurs, souffrent entre la résignation et la révolte. Leur silence est impressionnant, c’est leur humanité qu’on vole. Existe-t-il pour eux le moindre espoir, la moindre éclaircie ? On peut rêver que la réalité présentée par ce film est datée et n’est que le reflet d’une violence et d’un passé révolus. Mais le totalitarisme prend des formes tellement surprenantes, tellement inattendues, sous toutes les latitudes, qu’une piqûre de rappel, sous la forme d’un film rude et sans apprêt, s’avère bien utile.